Le spectacle du sport, en ces temps de néo-obscurantisme, redevient un « opium du peuple ». Il permet de défouler l’agressivité contenue, intériorisée ; il se donne comme une sorte de substitut à la guerre. Par d’autres moyens certes, mais il est la métaphore de la guerre, de l’affrontement, de la violence.
La médiatisation du sport favorise sa politisation. On a pu voir l’exploitation politique que le fascisme italien a faite du football. Dans les années 20, on a construit en Italie de grands stades, organisé un Championnat du monde de football, élaboré la mise en scène des matchs, exploité au maximum les victoires de l’équipe nationale présentée comme un authentique substitut de la nation elle-même et incarnant ses principales qualités. C’est ainsi que Mussolini a intégré l’organisation du sport dans un discourt politique repris très vite par Hitler et les Nazis pour déboucher sur l’organisation des jeux olympique de Berlin en 1936.
Autre exemple : celui des états communistes et l’excessive importance accordée par ces régimes aux victoires sportives, en particulier dans les compétitions internationales. Sport et manipulation des masses, sont au XXème siècle intimement liés.
[…] Le premier geste du champion, dès qu’il a franchi la ligne d’arrivée, consiste désormais à se précipiter vers son drapeau national pour littéralement s’y draper. Cela devient un rituel, une norme. Il n’y a plus un seul champion qui ne coure vers le drapeau pour faire un tour d’honneur, sanglé dans les couleurs nationales.
L’association Télévision- Sport-Nationalisme conjugue les trois principaux phénomènes de masse contemporains trois fascinations centrales. Cela en soit, constitue un fait majeur de notre temps, et une composante irrationnelle de la dureté sociale de notre époque.
Ignacio Ramonet - Géopolitique du Chaos.
4 commentaires:
ce qui a peut-être manqué au post...ton propre commentaire...ou plutôt un élargissement de cette vision...en spécifiant la particularité tunisienne...
@ affrikkanovic : J'ai laissé à l'intelligence du lecteur de faire les parallèles qui s'imposent :-)
@Xander : je suis vaguement d'accord avec ce monsieur Ramonet sur le fait qu'aujourd'hui le sport présente un visage souvent assez sombre.
Mais mon accord avec ce monsieur s'arrête là car il présente très mal les choses, néglige l'histoire et décrit un phénomène qui, certes a pu s'amplifier et connaître des évolutions nouvelles, mais qui n'est en aucun cas nouveau ou récent. Il suffit de se tourner vers les siècles passés, et parfois même très loin en arrière... mais doit-on espérer autant de conscience de la part d'un journaliste ? Cela fait un certain temps que j'en doute sérieusement.
D'abord pour cette histoire de lien entre sport et nationalisme, cela existe depuis toujours que ce soit entre deux Etats ou entre deux villes ou villages voisins. Il existe par exemple pour l'Europe, des prémices de jeux collectifs au moins depuis le Moyen-Age : ces jeux peuvent concerner des villages, des villes ou des quartiers d'une même ville. Il y a encore de nombreuses fêtes rappelant ces jeux et compétitions et notamment en Italie où l'on voit de spectaculaires "affrontements" sportifs dans certaines villes telles que le palio de Sienne. Cela signifie en clair que cet esprit de substitution de la guerre et du sport existe depuis belle lurette ! D'ailleurs il suffit de songer aux jeux olympiques, pas ceux de Coubertin mais ceux des Grecs, nés en 776 avant J.-C. On était déjà dans l'idée du sport nationaliste et on était déjà dans l'idée que le sport pouvait se substituer, au moins temporairement, à la guerre : il y avait à l'époque une trêve olympique permettant aux athlètes de traverser les territoires des cités, parfois ennemies, pour gagner le sanctuaire d'Olympie où avaient lieu les jeux olympiques premiers du nom.
Pour ce qui est de la "mise en scène", ce n'est pas non plus une nouveauté : il n'y a qu'à rappeler les jeux romains, jeux du cirque ou jeux de l'amphithéâtre et je ne développe pas car on en avait déjà parlé à l'occasion d'une note précédente sur ce blog il me semble. On pourrait aussi rappeler pour le côté "spectacle" les corrida et leurs variantes. Là encore on ne peut pas dire que ce côté spectaculaire du sport et sa mise en scène soit un phénomène nouveau.
On peut dire simplement que le nationalisme sportif a été revalorisé et intensifié par l'organisation de compétitions sportives nationales ou internationales et notamment les nouveaux jeux olympiques dont l'essentiel n'est pas que de participer ! :)
Cela étant dit, le monsieur Ramonet devrait quand même être un peu plus nuancé dans la mesure où ce qui compte avant tout c'est la réaction de l'individu face à ce message nationaliste ; énormément de gens reçoivent ce message sans que cela se transforme en haine ou violence dans leur tête.
On peut noter que la médiatisation du sport progresse au gré des avancées technologiques et c'est donc le point où Ramonet a effectivement raison.
La dernière chose que je reprocherai à ce monsieur Ramonet c'est de ne pas préciser de temps en temps "sport collectif" car le "sport individuel" est indispensable au bien-être individuel et sans rapport avec ce que nous explique ce brave monsieur.
Bon bref, je crois que ce monsieur ferait bien de s'intéresser à l'histoire des siècles passées et pas uniquement, comme sa spécialité l'exige, aux dernières décennies. Il faut veiller à ne pas dénoncer la part démagogique du sport par des idées trop simplistes et réductrices qui finissent par être une autre forme de démagogie. Il se trouve que monsieur Ramonet a de grandes idées sur le monde d'aujourd'hui et qu'il n'est manifestement pas très regardant sur certains des arguments destinés à alimenter ses théories. Dommage... Je pense que le thème du sport collectif est intéressant mais qu'il mériterait des recherches plus sérieuses.
Je voudrais ajouter à cela que cette politique n'est toujours pas une réussite et ceux qui la pratiquent peuvent s'y casser les dents: c'est le cas quand des sommes considérables (argent du contribuable bien sûr) sont dépensées pour des résultats à la limite de la nullité, suivez mon regard...
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