lundi, décembre 31, 2007

Est-ce moral de travailler pour l’ATI ?

Il y a quelques semaines j’ai reçu une proposition d’embauche de la part de l’ATI. Intrigué, mon père m’appelle de Tunis pour l’informer de la « bonne nouvelle ». Dans un télégramme (notez l’anachronisme du moyen de communication), l’ATI m’invite à rejoindre ses rang m’assurant qu’une bonne place me sera réservée.
Évidemment, j’ai rigolé doucement. D’autres, je le comprendrais bien, se seraient rué sur l’opportunité, mais qu’est ce que cela m’a fait rire !
Comment pourrais-je travailler pour ceux qui agissent contrairement de tous mes principes ? Pourrais je me transformer à mon tour en censeur ? Et même si je ne le devenais pas, pourrais je accepter de faire partie de cet organisme liberticide ?
La question a le mérite de se poser, même si la réponse est pour moi claire et nette.
Est-ce que les gens qui travaillent à l’ATI, ceux qui sont responsables de la censure font cela avec conviction, ou n’ont-ils pas d’autre choix ?
On a toujours le choix.
Si je t’étais pas en France, et condamné à rester en Tunisie, sans emploi, je ne travaillerai pas pour l’ATI, j’aurai préféré me lancer dans la restauration rapide que de cautionner un organisme que j’ai toujours condamné.
En attendant, je travaille pour Orange, cela me rends pas plus heureux, mais au moins (ce n’est plus moral), je touche sans doute, deux fois le salaire du PDG de l’ATI…

lundi, décembre 24, 2007

Un Hadjj scientifique...

Alors que le rituel de la lapidation de Satan avait lieu ce vendredi 21 décembre 2007, les autorités saoudiennes font appel aux nouvelles technologies pour gérer les mouvements de foule lors du Hadj. Le défi est de taille : résorber "le plus gigantesque embouteillage de piétons au monde" selon Newsweek.

Oh mon Dieu ! s'est exclamé l'ingénieur allemand Dirk Serwill quand on lui a présenté sa prochaine mission. Et il est vrai que Dieu n'était pas étranger à ce projet. Serwill fait partie d'une équipe d'ingénieurs allemands embauchés l'année dernière par l'Arabie saoudite pour moderniser l'hajj, le pèlerinage annuel des musulmans, qui a lieu ce mois-ci et qui attire chaque année des milliers de pèlerins dans les villes saintes de La Mecque et de Médine. L'afflux de pèlerins – qui sont passés de 1,5 million en 1996 à près de 4 millions en 2006 – ne va pas sans difficulté et a causé la mort de milliers de musulmans ces dernières années. Selon un des ingénieurs, il s'agit du "plus gigantesque embouteillage de piétons au monde" : des millions de personnes parlant des dizaines de langues différentes venues de centaines de pays se retrouvent en effet sur un espace de 3 km2 carrés.

Le cœur du problème ? Trois anciens piliers situés dans la vallée de Mina symbolisant le diable et que les pèlerins sont censés lapider. Devant son écran vidéo, Serwill observe les milliers de pèlerins présents sur le site et il compare cette scène au cycle essorage d'une machine à laver. "Les gens se poussent et se battent pour atteindre les piliers."
En général, on peut faire entrer trois ou quatre personnes dans 1 m2 ; à La Mecque ils sont dix. "Vous ne trouverez nulle part ailleurs une telle densité de population, sauf peut-être chez les rats", lance Habib Zein Al-Abideen, le vice-ministre saoudien des Affaires municipales et rurales et chef du projet de construction lié au hadj. Les pèlerins sont exposés à des pressions équivalentes à plus d'une tonne – soit le poids d'une petite voiture.

Les ingénieurs ont surtout travaillé à partir de vidéos et de photographies aériennes. A l'aide de logiciels ultrasophistiqués, ils ont numérisé le flot de pèlerins afin de repérer avec précision les endroits où les catastrophes étaient arrivées par le passé. Ils se sont servis des dernières théories sur les mouvements de foule afin de comprendre comment les gens réagissent quand ils cherchent à s'échapper à tout prix – dans les concerts de rock ou les matchs de foot notamment. A partir de ces études, les ingénieurs ont entièrement revu le pèlerinage du hadj en créant un réseau de voies à sens unique, de petites places bien délimitées, de zones de délestage et d'itinéraires de secours en cas d'urgence. Ils ont mis en place une structure très stricte alors que depuis des siècles le pèlerinage est régi par le hasard et le chaos. Ils ont également conçu ce qui pourrait être l'emploi du temps le plus complexe à jamais avoir été mis en place, qui fixe des plages horaires pour 30 000 groupes de 100 pèlerins.

Pour éviter les embouteillages de piétons, Serwill et son équipe ont également participé à la conception du pont Jamarat à quatre niveaux qui a coûté 1 milliard de dollars. Utilisé pour la première fois cette année, le pont est emprunté par 360 000 pèlerins toutes les heures afin de traverser la vallée ; quand il sera achevé, il pourra en admettre 650 000 par heure, afin d'accueillir les quelque 20 millions de pèlerins attendus dans les années à venir.
Les Saoudiens étaient plutôt sceptiques au départ. "Ils n'arrêtaient pas de nous répéter que le pèlerinage avait toujours été chaotique et que c'était comme ça depuis mille ans, raconte Serwill. Ils n'étaient pas convaincus et au début nous avons dû utiliser tous nos talents de persuasion pour les convaincre que c'était indispensable et que cela allait marcher." Les Saoudiens savaient, souligne Serwill, que, si le système échouait, "c'est eux qui seraient jugés responsables et non les consultants européens".

Ce projet s'inscrit dans une volonté de la part du gouvernement saoudien de moderniser le hadj. Des milliers de jeunes Saoudiens armés de GPS ont été dispatchés sur les sites afin de guider les pèlerins des lieux saints aux campements plus éloignés. Cette année, le gouvernement teste une technique d'identification par fréquence radio capable de suivre les pèlerins afin d'améliorer la sécurité et de surveiller les mouvements de foule. Un réseau très dense de caméras permettra aux autorités de surveiller tout ce qui se passe à partir d'un centre de contrôle et de réagir rapidement en cas de problème. Mahomet n'a peut-être pas eu besoin de GPS pour aller de La Mecque à Médine il y a mille quatre cents ans, mais il n'était pas suivi par des millions de personnes.

Zvika Krieger
Newsweek (de Courrier International)

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Comme quoi la religion peut parfois servir la science en lui offrant de beaux problèmes à résoudre :)
Non, le blog n'est pas mort, je m'en suis juste un peu détaché... Ca fait du bien !