vendredi, avril 22, 2011

Dégage : un livre, des témoignages


Quelle révolution et quelle créativité ! Des slogans, aux mots d’ordre, des banderoles aux créations picturales improvisées, la révolution tunisienne aura été un formidable catalyseur et révélateur de la créativité artistique des tunisiens. Durant un mois on aura vu se succéder sur tous les supports (facebook, twitter, la rue, les manifestations) une foule de nouvelles formes d’expressions les unes plus créatives que les autres. Il était donc légitime voire nécessaire de compiler cette richesse en un livre pour le souvenir et l’histoire.

 Mission de compilation réussie par les éditions Alif avec ce livre dont le titre résume tout : « Dégage ». Avec plus de 100 témoignages et 500 photos, c’est une part importante de l’histoire instantanée, actuelle et charnelle qui a été capturée et magnifiée. C’est à un excellent travail de compilation, d’analyse et de témoignage que se sont livrés les auteurs. Le tout est collecté dans une édition d’une qualité exceptionnelle et rarement vue en Tunisie. Le texte est de qualité, les témoignages des intervenants percutants, l’analyse fine et le choix des images extraordinaire.

Ce que nous rappelle enfin aussi ce livre c’est que la révolution tunisienne n’a jamais été une révolution religieuse. On pourrait presque la qualifier de laïque. C’est une révolution pour les droits, la démocratie, la liberté, la dignité. Une révolution qui a trouvé naissance dans le terreau de la misère sociale et que les villes, à travers leurs petites bourgeoisies et leurs classes cultivées ont sut porter et informellement encadrer. Révolution propre, révolution culturelle et laïque.

« Dégage », aux éditions Alif. Prix 35Dt en Tunisie, 24 euros en France.

A lire également : « La révolution tunisienne – dix jours qui ébranlèrent le monde arabe » d’Olivier Piot.

jeudi, avril 21, 2011

M. Talbi : "L’Islam est laïcité, démocratie et liberté"

La Presse - Mohamed Talbi, penseur, historien et islamologue a publié il y a deux mois un nouvel ouvrage Goulag et démocratie.
Un ouvrage qui vient s’ajouter à la dizaine d’opus qu’il a signés ou cosignés avec d’éminents penseurs d’Occident dont Ibn Khaldoun et l’histoire, Refléxion sur le Coran, avec Maurice Bucaille, Plaidoyer pour un Islam moderne, Universalité du Coran, Ummat el wassat, Rêves brûlés, Afin que mon cœur se rassure, L’Islam n’est pas voile, il est culte.
Musulman pratiquant adepte d’un Islam libéral et progressiste, il prône une lecture vectorielle du Coran consistant «à prendre en compte l’intentionnalité du Livre saint et non pas les jugements émis à une époque révolue».
Dans Goulag et démocratie il récapitule, pour l’histoire, ce que furent 20 ans de pouvoir de Ben Ali, de 1987 à 2007, en analysant comment la dictature a été instaurée en Tunisie.
Dans cet entretien, il développe cette analyse en remontant le fil du temps et de l’histoire. Il répond, également, à d’autres questions aujourd’hui d’actualité brûlante sous nos cieux : la révolution, les dictatures et l’Occident, la laïcité, le voile selon la chaâria et le processus démocratique en cours. Ecoutons-le.

Vous avez publié il y a un mois un nouvel ouvrage intitulé Goulag et démocratie sur 20 ans de pouvoir de Ben Ali. Pouvez-vous nous en dire plus pour les lecteurs de La Presse ?
Le livre a été conçu comme un document pour l’histoire. Je suis historien professionnel et à l’occasion du 20e anniversaire du 7 novembre 1987, dit «béni», il m’a semblé utile de récapituler, pour l’histoire, ce que furent 20 ans de pouvoir de Ben Ali. D’où cet ouvrage, actuellement dans les librairies.
Cet opus aurait dû paraître en 2007, plus précisément début 2008, mais naturellement, je n’avais pas alors trouvé d’éditeurs vu le contenu du livre. Le renversement de Ben Ali a changé la situation et j’ai pu alors sortir Goulag et démocratie où j’essaye d’analyser comment la dictature s’est installée en Tunisie, en remontant à la colonisation et en passant par Bourguiba qui fut l’architecte de la dictature tunisienne copiée sur le modèle bolchévique russe avec un parti unique dont il fut le président, un politbureau dont il était le président et dont il nommait les membres et une Constitution faite sur mesure.
Bourguiba avait exercé une dictature totale qui avait quand même l’aspect d’un despotisme éclairé. Celui qui lui avait succédé a trouvé déjà la dictature en place. Il avait promis la démocratie, en fait il n’a fait que renforcer cette dictature, en en faisant un système de gouvernement policier et en ajoutant naturellement l’ignorance d’un dictateur inculte.
C’est l’objet de la première partie du livre où je fais l’analyse du mécanisme par lequel la dictature de Ben Ali devint un véritable goulag, ne laissant aucune liberté par un système de torture physique jusqu’à la mort et une asphyxie totale de la pensée.
Dans la 2e partie du livre, j’ai répondu à un certain nombre de questions qui m’avaient été adressées par des jeunes, via Internet et qui utilisaient des pseudonymes pour essayer de nouer avec moi un dialogue en me posant un certain nombre de questions.
J’ai sélectionné les questions qui portaient sur la dictature et sur les liens avec l’Islam : «Le despotisme est-il inscrit dans l’Islam, préparant les musulmans à vivre dans un système de pouvoir arbitraire, dictatorial et inique ?». J’ai essayé d’y répondre à partir de mes convictions personnelles de musulman coranique ayant une lecture vectorielle du Coran et libérée de la chariaâ. Mes analyses aboutissent à ce que l’Islam est laïcité, démocratie et liberté, et bien entendu en en faisant une lecture toujours actualisée, liée au temps et à l’espace.
Vous attendiez-vous à la révolution menée par le peuple ?
Je la considérais comme inéluctable, mais je ne pensais pas qu’elle fût aussi imminente, tant le système policier de Ben Ali était sans scrupules, gouverné par la peur, la répression et la torture jusqu’à la mort, l’asphyxie intellectuelle sans égard pour la personne humaine.
Tout cela ne me laissait pas prévoir une libération rapide, d’autant plus que le pays avait été anesthésié jusqu’à la catalepsie, jusqu’à la mort. La trahison des intellectuels et des clercs, en particulier, était telle que notre peuple était complètement apeuré ou réduit au culte du dictateur assimilé à une divinité.
Cela ne me paraissait pas de nature à laisser penser à une libération rapide, mais j’avais dans l’esprit, quand même, que le système ne pouvait pas durer à l’infini et que vu les données de l’Histoire et vu le mouvement qui emportait le monde vers le respect des droits de l’Homme et vers une vie de liberté et de démocratie, la Tunisie ne pouvait faire exception et qu’un jour ou l’autre le système craquerait.
Je ne savais pas quand, mais je pensais que la mort de Ben Ali serait le terme de la dictature, car, après lui, il serait impensable de trouver un homme qui assujettirait le peuple autant que lui.
Certains écrits journalistiques et voix d’ici et d’ailleurs ont laissé entendre que la révolution était téléguidée de l’étranger par des puissances occidentales. Qu’en dites-vous ?
Je ne pense pas que les révolutions arabes soient téléguidées par l’Occident avec en tête les Etats-Unis. Dans mon livre sur Gaza, j’avais fait au début de l’ouvrage une critique de l’attitude d’Obama envers les pays musulmans et je suis arrivé à la conclusion que l’Occident soutenait, par nature, la démocratie à l'intérieur de sa mouvance et la dictature à l’extérieur, particulièrement dans les pays arabo-musulmans. Selon cette conviction qu’il est plus facile de manipuler les dictateurs en considération de ses intérêts propres que de soumettre des peuples libres et des Etats démocratiques à sa volonté. L’Occident a toujours soutenu et continue de soutenir les dictateurs sauf lorsque ces dictateurs sont déjà en péril et pratiquement écroulés, alors ils volent au secours du mouvement démocratique qui les secouent pour sauver les meubles uniquement.
Pouvez-vous nous dire pourquoi l’Occident soutient-il ces dictatures ?
Il suffit de lire l’ouvrage de Samuel P. Huntington Le clash des civilisations pour comprendre la politique de l’Occident, de manière générale, envers les pays musulmans, sous dictature, qui sont plus favorables à l’Occident que des pays musulmans libérés de la dictature. Et que l’idéal serait la soumission totale de l’Islam à l’Occident tel que cela a été réalisé par le traité de Sèvres en 1920.
Dans les pays musulmans on a le plus souvent pratiqué la politique au nom de la religion. Considérez-vous cela une mauvaise intelligence de l’esprit ?
Absolument, le système de gouvernement musulman dès l’année 632 de l’ère chrétienne (An 12 de l’Hégire) c’est-à-dire dès la mort du Prophète Mohamed, le régime du gouvernement des pays musulmans fut un régime de despotisme au nom de l’Islam.
N’oublions pas que le pouvoir avait été confisqué par la force au profit de «Qouraïch» contre les «Ansar» à Médine. Les compagnons du Prophète s’étaient atrocement combattus pour l’accaparement du pouvoir toujours par le sabre et par la force.
A la mort de Othman, 3e calife, mort assassiné, les compagnons du Prophète étaient les uns menés par Mouaouia, les autres par Ali. Ils s’étaient atrocement entretués, pour le pouvoir. Lequel pouvoir fut à la fin confisqué par les omeyyades. Le système de gouvernement, depuis les omeyades jusqu’à nos jours, fut un système de prise de pouvoir par putsch militaire ou par guerre civile.
Nous n’avons jamais connu dans notre histoire la démocratie jusqu’au 14 janvier 2011. Le pouvoir se prenait par la force, s’exerçait par la force et se perdait par la force. Celui qui prend le pouvoir par le sabre l’exerce par le sabre, seule légitimité. Et ce fut ce cas jusqu’au 14 janvier. Essayez de faire le tour de l’histoire de l’Islam, depuis la mort du Prophète, jusqu’à ce jour vous ne trouverez pas un seul pouvoir qui ait été pris pacifiquement et exercé selon la volonté du peuple. Impossible, introuvable. Au fond Ben Ali n’avait fait que perpétuer la tradition. Il avait renversé Bourguiba par la force et exercé le pouvoir par la force. Tel est le système de gouvernement islamique, il se résume en ce proverbe «Allah younsor man sbah» ou «Que Dieu assiste celui qui, le matin,  se lève encore sur son trône».
C’est-à-dire qui n’a pas disparu au cours de la nuit. Et s’il disparaît durant la nuit que Dieu assiste son successeur, quel qu’il soit, fût-il un singe !
Il ne faut pas oublier, pour comprendre la dictature et la démission populaire dans nos pays, que le pouvoir appartient à celui qui le possède par la force. Tout au plus le peuple espère que le nouveau despote soit un peu plus humain que celui qu’il a renversé et généralement le peuple s’attend au pire. Tout cela se résume, également, dans un proverbe tunisien que nous avons sucé avec le lait de nos mères et qui explique notre servitude : «Chid mchoumek la ijik ma achwam» (Garde ton despote si inhumain soit-il de crainte que son successeur ne soit encore pire).
Dans notre mentalité, nous allons de mal en pis et il faut nous soumettre à la fatalité de l’Histoire. Notre passivité n’est pas un hasard, nos dictatures s’expliquent  par une mentalité héritée des «anciens vertueux» (essalaf essalah) qui nous ont donné les exemples des révoltes par le sabre et de la soumission par le sabre.
Les dictatures vont-elles continuer dans le monde arabo-musulman après le 14 janvier?
Le 14 janvier n’est pas une date limitée à la Tunisie, il s’agit d’une date de renversement majeure dans la mentalité arabo-musulmane. Le passage de la soumission par le sabre à la révolte populaire contre le sabre pour imposer des régimes issus du peuple et à l’exercice du pouvoir par le peuple et par l’intermédiaire d’institutions librement choisies par les peuples c’est un avènement capital de l’histoire arabo-musulmane, un renversement de mentalité.
Nous passons, nous peuples arabo-musulmans, de la situation d’objets de l’histoire subissant passivement son mouvement à celui de sujets de l’histoire, faisant l’histoire en lui imprimant le mouvement que nous désirons. Nous passons donc de la condition d’assujettis à celle de citoyens.
Que pensez-vous du débat actuel sur la laïcité?
Je consacre à cette question un ouvrage en langue arabe et qui est dans mon ordinateur. Il s’intitule : (el Islamou almania, la almanikia, hiyadoun, wa horria la ilhadiya) autrement dit L’Islam est laïcité, non laïcisme, neutralité religieuse, non athéisme.
Cet ouvrage, je le veux une étude fondamentale, notes à l’appui et texte coranique cité, établissant que le Coran est laïcité, car il est liberté religieuse non contrainte. De ce fait, le Coran ne peut être que laïque, au niveau terrestre, permettant à toutes les sensibilités religieuses de vivre en cohabitation pacifique les uns avec les autres, en dehors de toute considération de foi ou de confession, telle fut particulièrement la situation à Médine du temps du Prophète Mohamed où polythéistes, juifs, chrétiens et musulmans cohabitaient ensemble dans une gestion commune  de leurs affaires terrestres. Sans interférences dans les affaires religieuses des différentes communautés confessionnelles. Tel était le système de Médine où toutes les communautés géraient en commun la ville où ils habitaient conformément à leurs intérêts communs terrestres.
L’Islam n’est pas «Din wa Dawla» (Religion et Etat). L’Etat est commun à toutes sortes de confessions religieuses, il doit être neutre vis-à-vis de ces différentes communautés religieuses.
Un principe de l’Islam dit: sous la forme d’un hadith «est musulman celui qui ne porte pas préjudice aux autres hommes» (El mouslimou man salima ennasou min yadihi wa lissanihi).
Alors que l’Islam chez les salafites porte préjudice par la langue et la main aux autres hommes. Coran nous dit :  «Musulmans ! Occupez-vous de vos affaires. Peu vous importe celui qui s’égare; si vous êtes sur la bonne voie».
Concernant le voile, le mouvement Ennahdha continue à afirmer qu’il est conforme à la chariaâ. Qu’en dites-vous ?
Dans mon livre L’Islam n’est pas voile, il est culte, je consacre toute la première partie à une accumulation de preuves minutieusement détaillées de textes démontrant que c’est une fausse interprétation du Coran.
Entre autres, je dis que les femmes qui veulent se voiler que grand bien leur fasse ! Et que celles qui ne veulent pas le porter grand bien leur fasse ! Ceux qui sont pour le voile disent que seule leur interprétation est juste. Moi je donne une autre interprétation en faveur de laquelle j’accumule les preuves. Et c’est mon droit, chacun a le droit de donner son interprétation. Mais, selon la chariaâ stricte Ghazali a résumé dans «Hojjatou El Islam» la condition de la femme en deux mots : «El maraâtou wadhouha : errik» (la condition de la femme: l’esclavage). Selon la chariaâ stricte la femme ne doit sortir de chez elle qu’avec l’autorisation de son mari ou de son tuteur et accompagnée d’un parent avec lequel elle ne peut se marier et auquel cas, elle doit se voiler totalement du sommet de la tête jusqu’aux pieds, avec une petite ouverture, par l’œil gauche, pour voir. Maintenant, on applique une demie mesure chez nous, or les Saoudiens et les talibans ne sont pas d’accord pour le hijab à la tunisienne.
Le parti Ennahdha prône un discours rassurant sur le Code du statut personnel (CSP), qu’en dites-vous ?
On n’a qu’à le prendre au mot.
Vous avez dit que Rached Ghannouchi, le chef du parti Ennahdha, n’est pas sincère quand il parle de démocratie, pourquoi donc ?
Parce qu’il ne peut pas répudier ouvertement la chariaâ, sans s’aliéner totalement son public. Je suppose qu’il n’est pas sincère quand il parle de démocratie. Pour lui, la démocratie n’est qu’une étape pour avoir la majorité qui lui permettra d’accéder au pouvoir pour imposer alors la chariaâ dans toute sa rigueur par des voies démocratiques, en faisant voter par une assemblée coloration «salafite» les lois adéquates conformes à la chariaâ.
Mais Rached Ghannouchi invoque le système démocratique façon turque ?
Le système turc est laïque, on doit  alors copier la Constitution turque qui est une Constitution laïque. Si Rached Ghannouchi adopte une Constitution inspirée de celle de Turquie, et en particulier séparant la religion de l’Etat, à ce moment là, il deviendrait un démocrate à part entière.
Pensez-vous que le processus de transition démocratique est sur la bonne voie et que les élections répondront aux critères démocratiques ?
Je suis optimiste et je fais confiance aux médias tunisiens qui ont un rôle capital à jouer, en ce sens, en imposant la transparence des élections afin qu’elles soient réellement inattaquables sur le plan de l’honnêteté du scrutin. Quand je vois le peuple tunisien, tel qu’il est dans les rues, femmes et hommes, avec une représentation favorisant l’égalité des femmes à l’Assemblée constituante, cela me laisse espérer que la Tunisie est sur la bonne voie d’un système démocratique, parmi les plus avancés au monde. Vous les journalistes soyez vigilants et tenez bon jusqu’au 25 juillet 2011.



Reprise intégrale de l'article publié par le journal "La Presse" le 21/04/2011.

mercredi, avril 20, 2011

Saurons nous être meilleurs ?

Le débat épineux sur l’exclusion des anciens cadres de l’ex-RCD et des hauts fonctionnaires gouvernementaux des différents gouvernements Ben Ali sur les 23 dernières années agite toute la sphère politique tunisienne depuis son adoption par la Haute Instance pour la Réalisation des Objectifs de la Révolution, des Réformes Politiques et de la Transition Démocratique (HIRP).

Beaucoup présentent cette disposition comme nécessaire et obligatoire pour calmer la fureur populaire et comme une sanction permise contre les serviteurs de la dictature. Sauf qu’il serait bien légitime également de se poser les questions suivantes : Quelle est la légitimité de ces punisseurs ? De quel droit se permettent-ils de se substituer à la justice ? Comment peut-on bafouer la présomption d’innocence avec si peu d’égards ?

Aussi légitimes que peuvent paraître ces questions, il me semble important de recentrer le débat autour des idéaux et des principes. Il faut à mon avis, dans ce contexte postrévolutionnaire, savoir laisser les sentiments de côté et réfléchir en termes d’idéaux.  Car comment peut-on se prétendre être meilleurs que les anciens serviteurs de la dictature en usant des mêmes moyens d’exclusion ? Comment peut-on insulter l’intelligence du peuple tunisien qui, certainement, ne votera pas pour ces gens ? Cette exclusion n’est-elle finalement pas un aveu de faiblesse vis à vis de ces gens ? Si l’on n’avait pas peur de leur influence, pourquoi les exclure ?

Bâtir une démocratie c’est mettre les principes avant toute autre considération, c’est consacrer un idéal au risque d’y laisser une part de sa fierté et de son envie de vengeance.
Aujourd’hui, plus que jamais soyons exemplaires ! Montrons ce qu’est la réelle démocratie : une démocratie bâtie sur la liberté de participation de chacun et ne nous substituons pas au verdict populaire qui est seul juge. Laissons ces gens se présenter et laissons les recevoir la sanction populaire qui leur est prévue. Car seule la sanction populaire est légitime.

Transition démocratique, réforme de la justice, changement des mentalités… les défis sont énormes, soyons donc à la hauteur de la responsabilité historique qui nous incombe. Sachons être meilleurs que ceux qui nous ont oppressés. Sachons être un exemple pour le futur. Sachons montrer notre maturité et notre sagesse. Et ayons confiance dans jugement populaire.

Le gouvernement temporaire devrait faire connaître sa position sur la question vendredi prochain, et s’il décide d’amender les termes de cette exclusion, jouera une partie de poker politique très risquée. Car, finalement, quelque soit le sens de sa décision, elle risque de faire beaucoup de mécontents. Espérons seulement qu’on saura maintenir le débat au niveau des principes et non sur celui de la vengeance et de la vindicte. 

mardi, avril 19, 2011

Arrêtons de parler d’Ennahdha

Depuis la révolution du 14 janvier, le parti politique qui fait le plus parler de lui est Ennahdha. Il fait certes parler de lui, mais ni pour son programme politique ni ses propositions, mais pour deux raisons différentes :

  • L’effet de mode qu’il génère autour de lui : ce parti s’est crée l’image d’un martyr politique en jouant la carte de la victimisation de ses années de clandestinité sous Ben Ali. C’est d’ailleurs sans doute le parti politique qui a le mieux récupéré la révolution (le fameux « roukoub 3ala thaoura »).
  • La peur qu’il crée au sein de la frange progressiste et cultivée de la population qui y voit une menace de régression sur les acquis des femmes tunisiennes, un facteur de fermeture du pays et une grave régression culturelle et intellectuelle.

Si l’on peut partager certaines craintes évoquées ci-dessous, on ne peut cautionner le battage médiatique crée autour de ce parti : on voit sur Facebook toutes les vidéos de Ghannouchi qui parle de tout et de n’importe quoi, on voit les incidents que créent ses déplacements à Hammamet ou Kélibia, on voit les pros, les contres, on dissèque les interviews, les images, les idées, on s’interroge sur les dispositifs de sécurité autour du gourou Ghannouchi qui nous rappellent les ninjas de Ben Ali, on se demande d’où vient son financement, on s’exclame, on s’indigne, on supporte, on dénigre. Et on fond qu’en reste-t-il ?

Rien, à part le sentiment d’une agitation infertile et non constructive.

Arrêtons aujourd’hui d’offrir une tribune médiatique à ce parti extrémiste. Arrêtons de leur faire de la publicité gratuite.

Arrêtons de donner à ses supporters les raisons qui les pousseront aux extrêmes, eux qui les frôlent déjà.

Arrêtons de médiatiser les incidents qu’ils créent eux mêmes pour qu’on parle d’eux.

Parlons plutôt des alternatives, des visions politiques, culturelles et économiques que l’on souhaite offrir à notre pays. Soyons constructifs et laissons Ennahdha gesticuler seule. Jusque là, elle n’offre encore aucune vision claire de son programme, aucune déclaration d’intention. Ils ont eu le temps de se préparer, mais rien n’est encore clair. Même les principes de base de leur parti ne sont pas jetés, allez faire un tour sur le site internet, à part les photos de Ghannouchi, des articles sur l’Islam, il n’y a rien. Entre joutes verbales et déclaration bateau sur la défense de l’identité islamique de la Tunisie, on n’a rien vu de concret pour le moment.

Il est donc clair que le seul moyen pour combattre les extrémismes et les populismes d’Ennahdha au POCT c’est l’élaboration de programmes clairs, ambitieux et réalisables pour notre pays. Et ayons confiance dans le « peuple » qui, si les partis politiques modérés sont à la hauteur, saura choisir le parti qui lui offrira les meilleures perspectives et dans lequel il se reconnaîtra le plus.

mercredi, avril 13, 2011

Lecture : « Traité d’Athéologie » de Michel Onfray

Ayant à peine fini la lecture du « Coran au risque de la psychanalyse » de Olfa Youssef, je me devait intellectuellement et moralement de contre balancer la thématique extrêmement religieuse de ce livre par une lecture plus laïque ou en tout cas moins empreinte de religion. Le choix s’est donc porté sur ce « Traité d’Athéologie » de Michel Onfray.

Un titre trompeur

Un traité est défini par Wikipedia comme un « manuel d’instructions […] qui forme un sujet d’étude ». Vu cette définition, on serait donc en droit de s’attendre, en se fiant au titre du livre, à ce que son contenu soit pédagogique, instructif et constructif ou du moins initiatique. Malheureusement, il n’en est rien.

Le livre nous présente, sur des centaines de pages, des illustrations fort documentées sur la haine que les religions ont des femmes, du corps, des plaisirs et de la vie. Il expose leurs misogynie, leurs consécration des valeurs masculines, leurs fascination pour l’au-delà et leurs obsession de la mort. Il détaille les contradictions entre les religions monothéistes et les contradictions de ces religions en elles-mêmes. Il déconstruit certains mythes du judaïsme, du christianisme et de l’Islam et montre à quel point ces religions ont fait de morts à cause de leurs intolérance, de leurs visées expansionnistes et leurs dogmatisme.

Il y a certainement un intérêt à décrire tout cela, à compliquer ces faits, mais un tel travail ne peut se prétendre être un traité. Il serait plutôt qualifié de pamphlet.

Car à limiter l’athéisme dans l’illustration du simple rejet des religions monothéistes, Onfray ne tomberait-il pas finalement dans ce même travers d’extrémisme qu’il reproche aux fondamentalistes religieux ?

Dépasser le simple rejet de la religion

On aurait aimé lire et en apprendre plus sur les valeurs véhiculées et promues par l’athéisme, ainsi qu’une meilleure définition des réalités qu’il recouvre : quel est son système de valeurs ? Comment l’Homme peut-il vivre dans un environnement libéré des contraintes religieuses et déistes ? Comment l’Homme peut-il se substituer à la divinité afin de créer son propre référentiel moral ?

Voilà ce qu’aurait dû être un « Traité d’Athéologie » : une introduction aux mécanismes complexes et riches de la pensée purement humaine, une présentation d’une morale humaine et humaniste et tant d’autres sujets qu’il serait trop long et fastidieux de lister ici.

Car contrairement à ce que laisse penser Onfray dans son livre, l’athéisme ne se bâtit pas qu’au travers du rejet des religions. Certes ce rejet en est un élément fondateur, mais l’athéisme le dépasse pour bâtir un système de valeurs et une morale indépendante des référentiels religieux. La conception athéiste est une vision détachée des référentiels déistes et profondément ancrée dans l’humain. L’athéisme ne serait-il pas finalement la meilleure illustration de l’Humanisme ?

L’athéisme militant n’est, à mon avis, pas celui exposé dans ce livre par Onfray : violent, excessif, extrême. L’athéisme ne peut se résumer à un rejet, aussi fort et franc soit-il de la religion et du fait religieux, car l’athéisme est aussi et avant tout un mode de pensée tolérant, ouvert au dialogue et à la critique, à l’écoute de la société et concerné par le fait religieux. L’athéisme ne se construction pas aux dépends des religions, il se construit à leur côté, il se nourrit d’elles pour s’entretenir et se développer car sans religion, point d’athéisme.


Nouvelles lectures en cours : « De la démocratie en Amérique » d’Alexis de Tocqueville et « Révolution, Consulat, Empire » de Michel Biard, Philippe Bourdin et Silvia Marzagalli.

dimanche, avril 10, 2011

اطلاق ميثاق "مبادرة المواطنة

C'est ce type d'initiative qui est le meilleur repart contre les extrémismes de tout type. A lire et à promouvoir :

(وات) - اطلقت "مبادرة المواطنة" اليوم الاحد خلال اجتماع نظمته بقصر المؤتمرات بتونس العاصمة ميثاق المواطنة, وهو ميثاق موجه حسب اعضائها للشعب التونسي والمجلس التاسيسي الذي سيتم انتخابه في جويلية القادم للاستلهام منه لوضع الدستور الجديد للبلاد.

واكد السيد فاضل موسى عميد كلية العلوم السياسية والقانونية بتونس واحد مؤسسي "مبادرة المواطنة" ان هذا الميثاق برز بعد نقاش مطول واتفاق وتوقيع اطراف عديدة كانت جامعية في البداية ثم شملت فئات اجتماعية وعمرية مختلفة من جميع انحاء البلاد.

واوضح بان "مبادرة المواطنة" "مستقلة تماما وليست بحزب ولا جمعية..." بل هي حسب قوله "مجموعة من الاشخاص يمثلون مختلف مكونات المجتمع المدني" مضيفا ان هذه المبادرة مفتوحة لمختلف الفئات الاجتماعية وهدفها الاوحد هو مصلحة تونس قبل كل شيىء وخيارها تونس العصرية التقدمية المتشبثة بالمواطنة والحداثة."

وفي تقديمه لميثاق المواطنة قال السيد فاضل موسى "ان هذا الميثاق له صبغة معنوية وادبية هامة"، وقال إنه قد يجد فيه معظم الشعب التونسي" هواجسه وطموحاته"باعتبار انه يربط بين مبادىء المواطنة والديمقراطية.

واشار الى ان الالاف من الاشخاص قد وقعوا بعد على هذا الميثاق مبينا ان توقيع الاحزاب السياسية على هذا الميثاق يعني التزامها به".

وافاد ان الميثاق متوفر على شبكة الانترنات وقد تم توزيعه في مختلف جهات البلاد وحتى في الخارج لتمكين جميع التونسيين من الاطلاع عليه والتوقيع عند الاقتناع ببنوده.

ويشمل ميثاق المواطنة 16 نقطة وهي التالية:

1/ الاقرار بان تونس دولة حرة مستقلة ذات سيادة الاسلام دينها

والعربية لغتها والجمهورية نظامها.

2/ الحفاظ على الطابع المدني للدولة

3/ النأي بالاسلام عن كل الصراعات العقائدية والتوظيفات

الايديولوجية والسياسية.

4/ الفصل بين السلط التنفيذية والتشريعية والقضائية وضمان

التوازن بينها.

5/ الاستقلال الكامل للقضاء وضمان حياده التام.

6/ الاقرار بمبدا التداول السلمي على السلطة عن طريق

انتخابات دورية حرة ديمقراطية وشفافة.

7/ نبذ كل اشكال العنف في العلاقات بين السلطة والمواطنين

وبين المواطنين.

8/ المساواة في المواطنة وفي الحقوق الاقتصادية والاجتماعية

والسياسية والثقافية بين كل التونسيين والتونسيات دون ميز.

9/ الاقرار الصريح بالحق في الترشح لكل التونسيين والتونسيات

الى كافة المسؤوليات بما فيها رئاسة الجمهورية.

10/ ضمان كافة الحقوق والحريات الفردية وعدم المساس بها.

11/ حماية مكاسب المراة وتدعيمها بتكريس المساواة الكاملة.

12/ ضمان حرية المعتقد وحرية التفكير والتعبير عن الراي

والاعلام والاجتماع والتنظم والتنقل.

13/ ضمان كافة الحريات المتعلقة بحرمة الشخص وكرامته.

14/ ضمان مبدا حق العمل والصحة والتعليم والمسكن لكافة

التونسيين والتونسيات.

15/ احترام حق الملكية الخاصة واقرار نظام جبائي عادل.

16/ الحق في التنمية العادلة بين كافة الجهات وحق الجميع في

العيش في بيئة سليمة.

وقد تم خلال هذا الاجتماع الذي حضرته العديد من الجمعيات ومنظمات المجتمع المدني من مختلف جهات البلاد بالخصوص تقديم العديد من المداخلات حول "ميثاق المواطنة" و "بناء ائتلاف الحداثة والحرية."