mercredi, avril 13, 2011

Lecture : « Traité d’Athéologie » de Michel Onfray

Ayant à peine fini la lecture du « Coran au risque de la psychanalyse » de Olfa Youssef, je me devait intellectuellement et moralement de contre balancer la thématique extrêmement religieuse de ce livre par une lecture plus laïque ou en tout cas moins empreinte de religion. Le choix s’est donc porté sur ce « Traité d’Athéologie » de Michel Onfray.

Un titre trompeur

Un traité est défini par Wikipedia comme un « manuel d’instructions […] qui forme un sujet d’étude ». Vu cette définition, on serait donc en droit de s’attendre, en se fiant au titre du livre, à ce que son contenu soit pédagogique, instructif et constructif ou du moins initiatique. Malheureusement, il n’en est rien.

Le livre nous présente, sur des centaines de pages, des illustrations fort documentées sur la haine que les religions ont des femmes, du corps, des plaisirs et de la vie. Il expose leurs misogynie, leurs consécration des valeurs masculines, leurs fascination pour l’au-delà et leurs obsession de la mort. Il détaille les contradictions entre les religions monothéistes et les contradictions de ces religions en elles-mêmes. Il déconstruit certains mythes du judaïsme, du christianisme et de l’Islam et montre à quel point ces religions ont fait de morts à cause de leurs intolérance, de leurs visées expansionnistes et leurs dogmatisme.

Il y a certainement un intérêt à décrire tout cela, à compliquer ces faits, mais un tel travail ne peut se prétendre être un traité. Il serait plutôt qualifié de pamphlet.

Car à limiter l’athéisme dans l’illustration du simple rejet des religions monothéistes, Onfray ne tomberait-il pas finalement dans ce même travers d’extrémisme qu’il reproche aux fondamentalistes religieux ?

Dépasser le simple rejet de la religion

On aurait aimé lire et en apprendre plus sur les valeurs véhiculées et promues par l’athéisme, ainsi qu’une meilleure définition des réalités qu’il recouvre : quel est son système de valeurs ? Comment l’Homme peut-il vivre dans un environnement libéré des contraintes religieuses et déistes ? Comment l’Homme peut-il se substituer à la divinité afin de créer son propre référentiel moral ?

Voilà ce qu’aurait dû être un « Traité d’Athéologie » : une introduction aux mécanismes complexes et riches de la pensée purement humaine, une présentation d’une morale humaine et humaniste et tant d’autres sujets qu’il serait trop long et fastidieux de lister ici.

Car contrairement à ce que laisse penser Onfray dans son livre, l’athéisme ne se bâtit pas qu’au travers du rejet des religions. Certes ce rejet en est un élément fondateur, mais l’athéisme le dépasse pour bâtir un système de valeurs et une morale indépendante des référentiels religieux. La conception athéiste est une vision détachée des référentiels déistes et profondément ancrée dans l’humain. L’athéisme ne serait-il pas finalement la meilleure illustration de l’Humanisme ?

L’athéisme militant n’est, à mon avis, pas celui exposé dans ce livre par Onfray : violent, excessif, extrême. L’athéisme ne peut se résumer à un rejet, aussi fort et franc soit-il de la religion et du fait religieux, car l’athéisme est aussi et avant tout un mode de pensée tolérant, ouvert au dialogue et à la critique, à l’écoute de la société et concerné par le fait religieux. L’athéisme ne se construction pas aux dépends des religions, il se construit à leur côté, il se nourrit d’elles pour s’entretenir et se développer car sans religion, point d’athéisme.


Nouvelles lectures en cours : « De la démocratie en Amérique » d’Alexis de Tocqueville et « Révolution, Consulat, Empire » de Michel Biard, Philippe Bourdin et Silvia Marzagalli.

2 commentaires:

tunisien a dit…

L'athée que je suis est tout à fait d'accord avec votre point de vue, même si je ne connais pas le livre en question. Mais, moi aussi, je pense que c'est réducteur de voir dans l'athéisme un simple rejet des religions basé sur une critique de leur appareil prescriptif ou, pis encore, la manière dont ces prescriptions sont mises en oeuvre. L'athéisme est d'abord et essentiellement un recentrage de la perspective ontologique pour la ramner à l'humain comme unique référence et le refus de la perspective théologique qui tout en se référant à une entité hautement hypothétique (dieu) ne fait rien d'autre que de confisquer l'autorité de la pensée, mais aussi celle de l'énonciation des règles morales et sociales pour aussitôt la confier à des instances médiatrices bien humaines !

Xander a dit…

Merci "Tunisien" pour cette contribution constructive et dont je partage la sens.