mercredi, juillet 19, 2006

Y a-t-il une culture alternative Tunisienne ?

La question m’est venue à l’esprit en écoutant Mosaïque FM. Que fait cette chaîne ? Elle diffuse de la musique, de la musique d’un peu partout. C’est bien. Sauf que voilà, est ce la culture Tunisienne, ou ce qu’il convient mieux d’appeler, la culture à la Tunisienne (puisqu’il ne s’agit vraiment pas de traiter de notre culture nationale, mais de ce que nous, Tunisiens, acquérons de la culture comme connaissances et comme idées) ? Quel est le bagage culturel que l’on accumule dans une société où la culture se mêle au mercantilisme et où les seuls vrais repères culturels sont la télévision d’état et deux chaines privées (l’une de radio, l’autre de télévision) aussi commerciales l’une que l’autre ?
Je lance d’emblée que le tunisien est inculte, non dans le sens qu’il ne connaît rien à la chanson, au cinéma ou à l’art de manière générale, mais dans le fait qu’il ne cherche pas à voir ailleurs, à trouver l’originalité. Il n’a pas cette quête de la recherche soi, de l’autre et de la culture. Il est vrai qu’il y a une minorité qui bouge, qui fait de la musique (avec plus ou moins de succès) ou qui va au cinéma (pour différentes raisons), mais ce n’est qu’une infime minorité de la société. Rares en effet, sont les gens qui s’intéressent à autre chose qu’à la Star’Ac made in Loubnen, ou à SuperStar (je ne connais pas vraiment ce que c’est).

Chanson = Chaussure
Il est grave que le discourt culturel se mêle au discours purement people. Car les stars, ce n’est pas de la culture, c’est le marché, le commerce. Ecouter de la musique devient comme acheter une chaussure. Les chansons mercantiles ne valent pas plus qu’une paire de chaussures. Il y a des chansons bien faites comme des chaussures bien faites, des chansons à la mode et des chaussures à la mode… Je pourrais continuer à l’infini cette comparaison si facile qu’elle en devient honteuse.
C’est donc cette culture mercantile qui sévit en Tunisie, et beaucoup de personnes se prétendant cultivées ne font en réalité que suivre la mode, elles ne réfléchissent pas tellement à ce qu’elles aiment, ne se posent pas de question quant à la nature de leur adoration pour les starlettes à deux sous. C’est dommage.

Personne n’est à l’abri
Car personne n’est à l’abri aujourd’hui. Ceux qui, traditionnellement, étaient les garants d’une culture alternative, innovante et avant-gardiste se sont éteints. Je parle des étudiants et des jeunes. Car c’est bien grâce à eux que la culture avance et fait avancer les choses, mais aujourd’hui, même ceux que l’on appelle « l’élite montante » du pays se retrouvent piégés dans sa paresse intellectuelle et la débilité.
Un jour je discutais avec un ami qui suit des études de médecine de la nouvelle vague rock, et bien, il ne connaissait rien au rock, je me suis dis que ce n’est pas bien grave, on a parlé de littérature, rien non plus n’est sorti des très fonds de son cerveau, alors de politique peut être ?? Surtout pas !!

La débilisation de la société comme mode de pensée global
En fait, ce n’est pas la faute qu’aux jeunes qu’ils soient bêtes. C’est vrai qu’ils auraient du faire un effort pour être plus éveillés et cultivés, mais c’est surtout la faute à une société qui a favorisé l’émergence d’une débilité culturelle.
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C’est quoi au juste une culture alternative ?
La question peut être parfaitement légitime. Ce que j’entends par une culture alternative, c’est tout simplement une culture différente de la culture dominante. Tous ceux qui ont visité (et qui ont su visiter, parce que la plus part des tunisiens qui sortent de leurs pays s’enferment dans les boutiques) d’autres pays ont pu constater la grande diversité et l’hétérogénéité des sociétés occidentales (par exemple) qui contraste beaucoup avec l’uniformité monotone du monde arabe. Cette uniformité est sans doute du au poids de la religion castratrice dominante ou à l’héritage social assez lourd et contraignant, mais ce n’est pas une raison de se laisser alors. Il faut favoriser l’apparition de différentes formes d’expression et de créativité.

Réponses à un monde changeant où l’identification fait rage
Il est de plus en plus évident aujourd’hui que la culture est vue comme une réponse au mondialisme dévorant. Comment faire face à l’hégémonie culturelle américaine ? Peut être en mettant en valeur notre identité culturelle, en cultivant l’exception culturelle à la Tunisienne. Car la contre culture c’est aussi un acte militant avant tout. Il nait d’une conviction intime qui pousse les gens à changer un peu les choses et surtout la manière de voir le monde et d’interagir avec la création artistique. La contre culture naissant de la personne même (n’étant imposée par aucun producteur ou groupe de loisir) transmet ce que la personne a de plus original, d’unique ; et c’est là tout son intérêt !

Une culture alternative comme bouclier contre le fanatisme
En effet, bien que marginalisée, l’état et le politique de manière générale ont intérêt à favoriser l’émergence d’un nouveau monde de pensée, en éliminant le paternalisme intellectuel dont ils font souvent preuve. En laissant les gens exprimer leurs idéaux, leurs rêves, mais aussi leurs peurs et leurs angoisses, on libère leurs pensées refoulées qui auraient pu se sublimer en fanatisme. Car le fanatisme, qu’il soit religieux ou autre, n’est que l’expression d’une frustration latente, d’un désir inassouvi de changement, permettre à ceux qui en ont la capacité de sublimer cette frustration et d’exorciser les peurs sociales est d’après moi le meilleur moyen de faire face aux mouvements de contestation extrémistes. De plus la culture et l’ouverture d’esprit est le meilleur moyen de contrer la montée de plus en plus inquiétante des islamistes.

La contre culture dans ce qu’elle a de plus personnel, intime et militant est le meilleur moyen de rénover la culture tunisienne et d’actualiser le rapport du citoyen à son identité, elle est aussi le meilleur moyen e protection contre les extrémismes de tous bords.

11 commentaires:

Napo a dit…

article tahfoun ya weld el PTT..amma twil chouwaya et lazmou tarkiz..tawa mechi nikhdim (8am here) et apres je vais le finir et hopefully le commenter.
bkhatrik

Anonyme a dit…

تحليل جيد و اوافقك الراي تماما؛ اذاعة موزاييك هي مثال جيد للاذاعات التجارية الرخيصة؛ فااعمل الاذاعي يصبح سهلا جدا؛ فما عليك الا ان تشغل موسيقى"الربوخ" 24 ساعة على 24 و بعض اخبار الفضائح و السعي و راء الاثارة تحت غطاء حرية التعبير

Imperator a dit…

salut supcom boy,
je suis assez d'accord pour l'mérgence d'une forme de culture(s) alternatives. je suis pour casser le monopole de la culture dominante. mais il faut que ça soit crée localement. je ne crois pas trop que le rock soit une forme de culture alternative :).
il ne faut tomber dans la facilité et le mimétisme il faut une révolution!!
SPQR
Vale

Xander a dit…

imperatorking : Et bien justement, j'ai bien dit que le Rock n'est pas forcement de la culture alternative, mais il reste une autre forme de culture qui tranche avec celle que l'on vit en Tunisie. Et quand on lit l'article jusqu'au bout, on voit bien que j'ai dis que cette culture doit venir des tunisiens eux mêmes...

OthRez a dit…

Blablabla blablabla
C de la langue de bois utilisée par un anti-systeme mais ki pourait trés bien s'en sortir à l'intereieur du systeme.
Tu parle de culture et de contre culture, eske tu t'es aventuré dans des concerts de rock justement fait par des tunisiens ? As-tu vu Ursa Minor en action ? ça c de la contre culture mais po en mots, c en aciotn qu'on la voit.
Y a eu des évenements ki ont essayé de susciter cette contre culture comme la journée de libre expression à l'école d'architecture de sidi bou, un évenement ki devrait être relayé d'ailleurs ..
A sup'com, ya kelkes années, on a vu plusieurs groupes de rock/rap et autres se relayer sur scene et pas seulement avec des paroles vides de sens.
Bcp de jeunes bougent, veulent bouger et ne demandent ke ça ! Et ni la presse ni la télé ne veut les relayer, particulierement lorskils osnt critiques et donc intéréssants.
C dans le milieu lycéen/estudiantin ke ce genre de culture peut le plus s'épanouir et se propager.
Voila.

Imperator a dit…

il faut du concret mainteant?comment créer la synergie?
SPQR

Xander a dit…

^oth : Voyons c'est quoi ces attaques ? Je sais très bien de quoi je parle et je dis bien aussi qu'il y a une minorité qui bouge et qui fait des trucs, qui ne sont pas forcement superbes mais ils ont le mérite de sortir du système.
Le fait est que ces gens sont sont minoritaires donc marginalisés, le plus important aujourd'hui est la reconnaissance de cette culture comme telle.
Et puis l'écrasante majorité de la jeunesse tunisienne est bercée par la culture mercantile... Tu le sais très bien !!
Et puis la culture n'est pas seulement la musique de quelques groupes de rock post pubères en mal d'orientation, c'est beaucoup plus profond que cela mon ami...

@imperator : Je ne sais pas vraiment comment créer la synergie, je ne fais que dépeindre une situation.

Roumi a dit…

Mon cher petit Sup'Co... nouvelle note vraiment très chouette. :-)

Bon pour commencer dans la joie et la bonne humaine, je reviens sur l'équation chanson = chaussure... bon franchement la chanson n'est pas la forme d'expression que je préfère ; je ne connais même aucune chanson par coeur... mais quand même il y a de bonnes chansons comme il y a de la chaussure de bonne qualité. :-)

Je passe maintenant aux choses plus sérieuses. Tu parles de culture alternative tunisienne. Apparemment on ne peut pas dire qu'elle existe trop pour l'instant. Evidemment, elle n'est pas spécialement encouragée ni par la société ni par l'Etat qui préfèrent un monde monotone et une passivité bien commode pour maintenir les choses comme elles sont. Grave erreur... Là je rejoins ce que tu dis à propos du fanatisme. A partir du moment où une société se sent frustée - et la société tunisienne est frustée sur beaucoup de plan - elle a besoin de s'exprimer, de se libérer par diverses formes d'expression ; si ce n'est pas le cas, c'est là qu'apparaissent des formes d'expression excessives qui conduisent à des dérives sociales. Je voudrais donner deux exemples à ce sujet. Dans l'antiquité grec, on jouait des tragédies dans les théâtres ; ces tragédies, reprenant les mythes, les histoires des dieux et des héros, montrent très souvent des comportements déviants (crimes, incestes, trahisons, ...). Ces représentations théâtrales, plus qu'un simple divertissement, plus qu'un simple "contact" avec le monde des dieux, était une forme d'éducation sociale et mieux encore, une catharsis, une "purge". Le théâtre grec purge donc les esprits de leurs plus bas instincts en mettant sur le devant de la scène des comportements qui sont normalement proscrits dans la vie quotidienne. De la même façon, les combats de gladiateurs et les combats de bêtes sauvages de l'époque romaine, permettaient aux Romains et aux provinciaux, notamment Africains, de purger de leur corps leurs instincts violents. Bon là j'ai donné deux exemples ; il y en a d'autres. Il ne s'agit pas d'ailleurs d'exprimer forcément des idées "violentes". Il y a aussi comme tu dis la peur, les rêves, ... tout doit pouvoir sortir du coeur, du corps, ... !

J'ai noté que tu insistes sur le caractère hétérogène des cultures occidentales. C'est vrai et c'est bien de le souligner. Le problème c'est que beaucoup de Tunisiens revendiquent au contraire l'homogénéité. Ils se félicitent bien naïvement de l'homogénéïté présumée, fantasmée plus que réelle d'ailleurs, de la culture, de la société, de... tout un tas de choses. Les Tunisiens seraient des clones parfaits alors...
Chacun en fait a besoin de choses répondant à ses besoins personnels. Il faut donc encourager la diversité.
Mon p'tit Sup'Co, quand tu parles de "l’uniformité monotone du monde arabe", il s'agit d'une dérive vers l'uniformité due en particulier au développement de l'idéologie du nationalisme arabe ; il ne s'agit donc pas d'une situation réelle. C'est l'idéologie qui tue la diversité culturelle parce que si on se revendique tous comme identiques alors on est amené à effacer ce qui nous différencient. Il y a déjà dans la culture tunisienne au sens large des éléments anti-conformité, anti-uniformité... mais la culture évolue et laisse derrière elle un certain nombre de choses... des choix sont faits, on néglige, on méprise, on ignore des pans de la culture tunisienne. On oublie qui l'on est, d'où l'on vient... et de là naît cette supposée uniformité du monde arabe. C'est triste car il y a en Tunisie une perte de mémoire de certains traits culturels jugés sans doute pas valorisants, pas en accord avec les objectifs culturels fixés et d'autres objectifs peut être plus idéologues ; la population renie elle même certaines choses pensant que se tourner vers la modernité implique l'oubli du passé dans certains domaines. Eh oui, parce que même ceux qui prétendraient n'avoir pas évolué culturellement ne reconnaîtraient plus la culture d'il y a 50, 100 ou 150 ans. On a parfois l'illusion qu'on n'a pas évolué... mais ce n'est qu'illusion.
Tout cela pour dire que la culture alternative tunisienne n'est pas uniquement une culture qui doit naître de l'innovation de la jeunesse, c'est aussi tout une culture existante qui existe et qu'il faut retrouver. La Tunisie d'aujourd'hui doit s'ouvrir à la fois à son avenir par l'innovation, par une plus grande liberté d'esprit et d'initiave laissée en particulier à la jeunesse ; elle doit aussi revenir sur les choix de mémoire trop restrictifs, rompre avec l'idée que la culture passée, présente et future devrait être uniforme, lisse, parfaite ; nulle société n'est ainsi, nulle culture n'est ainsi, nulle histoire n'est ainsi.
C'est vachement original je crois de penser que la culture alternative tunisienne se trouve pas uniquement dans l'avenir mais aussi dans un passé négligé. :-)
Et puis c'est bien cela qui convient normalement à une société, un ancrage fort à la fois dans l'avenir et le passé ; de ces deux directions naît l'équilibre. Si l'on prend par exemple le cas de la France, on voit qu'outre l'incitation à la création pure et simple, on cherche également à valoriser les cultures régionales, locales, ... qui avaient été négligés au nom de l'uniformisation... La France a fait dans le passé la même erreur que fait la Tunisie maintenant, tuant la diversité pour uniformiser le corps des citoyens. Les choses ont changé maintenant, avec une prise de conscience de la diversité culturelle et de sa nécessaire conversation. Il est temps que la Tunisie se réveille également dans ce domaine.

أنيس a dit…

Pour qu'il y existe une culture alternative (à quoi?), il faut déjà qu'il existe une culture tout court !

Or il n'y a pas de culture tout court, pour s'en convaincre: quel est le nombre de revues culturelles publiées en Tunisie ? quel est le nombre de lecteurs ?
Les tunisiens sont des consommateurs de "culture" alors qu'ils devraient être producteurs

Pour faire de la culture il faut être inspiré et pouvoir s'exprimer mais pour s'inspirer il faut des médias à la hauteur (qui plongent dans la culture mondiale) et des moyens d'expression (revues, journaux, radio, télés)

Mais jamais la création de médias n'a été autorisée ni libre en Tunisie, le type qui veut créer une radio (même dans sa chambre) se fera arrêter sur le champs

N'avez-vous jamais remarqué l'abscence de journaux régionaux ?

L'autre problème est le manque d'éducation des tunisiens (pour qu'ils s'intéressent à la culture)

L'école tunisienne se limite à un programme de cours, des exercices et des examens; alors qu'elle devrait-être le moyen d'ouverture sur le monde.

Mais qui veut d'une culture ? ni d'une culture alternative ?

Roumi a dit…

@Anis : je rejoins ce que tu dis ; quel que soit le pays, c'est la qualité de l'éducation qui permet de développer le goût pour la culture, pour toutes les cultures ; c'est la liberté de penser, de s'exprimer et de s'investir dans des projets culturels qui permet de faire vivre cette ou plutôt ces cultures.
C'est le devoir de tous mais en premier d'un Etat de rendre les citoyens intelligents, ouverts, curieux, ... de créer les conditions favorables à un véritable développement culturel équilibré entre les apports intérieurs et extérieurs.

@Sup'Co : ah oui mon Grand, tu as autocensuré un passage de ta note... dommage... je pourrais savoir ce que contenait ce passage ? :-)

Marsoise a dit…

salut tout le monde,
je tiens à faire un commentaire même si c'est très en retard.
c'est un sujet qui me tient à coeur et je me suis toujours posée la question pourquoi en Tunisie nous vivons un tel désastre aussi bien culturel que social.
plusieurs raisons peuvent être évoquées parmi lesquelles moi je choisirais la culture de l'autosuffisance,du matérialisme,et de la frustration.
l'héritage socio culturel imposant qui nous est imposé laisse peu de place à la création,les jeunes créatifs sont marginalisés et l'uniformité est de rigueur.
malheureusement on ne peut pas parler de culture alternative dans un pays où les ambitions des 80% des citoyens est d'avoir une voiture populaire et une maison payée sur 30 ans de crédit!
il est difficile de penser à la culture pour des gens qui même s'ils voyagent,ils ne pensent qu'au shopping..
où la part de culture dans un système éducatif où l'unique but est d'apprendre les exercices par coeur pour les refaire à l'exams...?