La question m’est venue à l’esprit en écoutant Mosaïque FM. Que fait cette chaîne ? Elle diffuse de la musique, de la musique d’un peu partout. C’est bien. Sauf que voilà, est ce la culture Tunisienne, ou ce qu’il convient mieux d’appeler, la culture à la Tunisienne (puisqu’il ne s’agit vraiment pas de traiter de notre culture nationale, mais de ce que nous, Tunisiens, acquérons de la culture comme connaissances et comme idées) ? Quel est le bagage culturel que l’on accumule dans une société où la culture se mêle au mercantilisme et où les seuls vrais repères culturels sont la télévision d’état et deux chaines privées (l’une de radio, l’autre de télévision) aussi commerciales l’une que l’autre ?
Je lance d’emblée que le tunisien est inculte, non dans le sens qu’il ne connaît rien à la chanson, au cinéma ou à l’art de manière générale, mais dans le fait qu’il ne cherche pas à voir ailleurs, à trouver l’originalité. Il n’a pas cette quête de la recherche soi, de l’autre et de la culture. Il est vrai qu’il y a une minorité qui bouge, qui fait de la musique (avec plus ou moins de succès) ou qui va au cinéma (pour différentes raisons), mais ce n’est qu’une infime minorité de la société. Rares en effet, sont les gens qui s’intéressent à autre chose qu’à la Star’Ac made in Loubnen, ou à SuperStar (je ne connais pas vraiment ce que c’est).
Chanson = ChaussureIl est grave que le discourt culturel se mêle au discours purement people. Car les stars, ce n’est pas de la culture, c’est le marché, le commerce. Ecouter de la musique devient comme acheter une chaussure. Les chansons mercantiles ne valent pas plus qu’une paire de chaussures. Il y a des chansons bien faites comme des chaussures bien faites, des chansons à la mode et des chaussures à la mode… Je pourrais continuer à l’infini cette comparaison si facile qu’elle en devient honteuse.
C’est donc cette culture mercantile qui sévit en Tunisie, et beaucoup de personnes se prétendant cultivées ne font en réalité que suivre la mode, elles ne réfléchissent pas tellement à ce qu’elles aiment, ne se posent pas de question quant à la nature de leur adoration pour les starlettes à deux sous. C’est dommage.
Personne n’est à l’abriCar personne n’est à l’abri aujourd’hui. Ceux qui, traditionnellement, étaient les garants d’une culture alternative, innovante et avant-gardiste se sont éteints. Je parle des étudiants et des jeunes. Car c’est bien grâce à eux que la culture avance et fait avancer les choses, mais aujourd’hui, même ceux que l’on appelle « l’élite montante » du pays se retrouvent piégés dans sa paresse intellectuelle et la débilité.
Un jour je discutais avec un ami qui suit des études de médecine de la nouvelle vague rock, et bien, il ne connaissait rien au rock, je me suis dis que ce n’est pas bien grave, on a parlé de littérature, rien non plus n’est sorti des très fonds de son cerveau, alors de politique peut être ?? Surtout pas !!
La débilisation de la société comme mode de pensée globalEn fait, ce n’est pas la faute qu’aux jeunes qu’ils soient bêtes. C’est vrai qu’ils auraient du faire un effort pour être plus éveillés et cultivés, mais c’est surtout la faute à une société qui a favorisé l’émergence d’une débilité culturelle.
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C’est quoi au juste une culture alternative ?La question peut être parfaitement légitime. Ce que j’entends par une culture alternative, c’est tout simplement une culture différente de la culture dominante. Tous ceux qui ont visité (et qui ont su visiter, parce que la plus part des tunisiens qui sortent de leurs pays s’enferment dans les boutiques) d’autres pays ont pu constater la grande diversité et l’hétérogénéité des sociétés occidentales (par exemple) qui contraste beaucoup avec l’uniformité monotone du monde arabe. Cette uniformité est sans doute du au poids de la religion castratrice dominante ou à l’héritage social assez lourd et contraignant, mais ce n’est pas une raison de se laisser alors. Il faut favoriser l’apparition de différentes formes d’expression et de créativité.
Réponses à un monde changeant où l’identification fait rageIl est de plus en plus évident aujourd’hui que la culture est vue comme une réponse au mondialisme dévorant. Comment faire face à l’hégémonie culturelle américaine ? Peut être en mettant en valeur notre identité culturelle, en cultivant l’exception culturelle à la Tunisienne. Car la contre culture c’est aussi un acte militant avant tout. Il nait d’une conviction intime qui pousse les gens à changer un peu les choses et surtout la manière de voir le monde et d’interagir avec la création artistique. La contre culture naissant de la personne même (n’étant imposée par aucun producteur ou groupe de loisir) transmet ce que la personne a de plus original, d’unique ; et c’est là tout son intérêt !
Une culture alternative comme bouclier contre le fanatismeEn effet, bien que marginalisée, l’état et le politique de manière générale ont intérêt à favoriser l’émergence d’un nouveau monde de pensée, en éliminant le paternalisme intellectuel dont ils font souvent preuve. En laissant les gens exprimer leurs idéaux, leurs rêves, mais aussi leurs peurs et leurs angoisses, on libère leurs pensées refoulées qui auraient pu se sublimer en fanatisme. Car le fanatisme, qu’il soit religieux ou autre, n’est que l’expression d’une frustration latente, d’un désir inassouvi de changement, permettre à ceux qui en ont la capacité de sublimer cette frustration et d’exorciser les peurs sociales est d’après moi le meilleur moyen de faire face aux mouvements de contestation extrémistes. De plus la culture et l’ouverture d’esprit est le meilleur moyen de contrer la montée de plus en plus inquiétante des islamistes.
La contre culture dans ce qu’elle a de plus personnel, intime et militant est le meilleur moyen de rénover la culture tunisienne et d’actualiser le rapport du citoyen à son identité, elle est aussi le meilleur moyen e protection contre les extrémismes de tous bords.