Une part de
liberté a peut être été acquise au lendemain du 14 janvier et sous le gouvernement
M. Ghannouchi, mais elle est aujourd’hui menacée par les tenants de l’ordre
moral et les néo-défenseurs de Dieu.
Ce qui me fait
écrire ces lignes c’est cet article (en arabe) paru dans une pseudo agence de
presse. L’article se félicite de l’interdiction de diffusion d’une série de
documentaires sur la femme dans l’Islam qu’il accuse d’attaquer l’Islam, le
prophète et Allah et ainsi d’être anti-islamique. Sans juger de l’honnêteté
douteuse de la journaliste qui n’a sans doute pas vu les dits documentaires, la
question centrale qu’on peut se poser est : Quel modèle de liberté veut-on
pour la Tunisie ? Est-ce une liberté réelle ou un simulacre de liberté où les
sujets qui dérangent seraient tabous ?
Ni Dieu, ni l’Islam n’ont besoin d’avocat
La raison
essentielle avancée par les personnes interviewées dans l’article (tous de la
mouvance islamique au demeurant) qui justifierait l’interdiction est que le
contenu s’attaque à l’Islam et au Prophète. Est-ce que critiquer, apporter une
vision nouvelle est une attaque ? Est-ce que le fait de questionner des
dogmes est une attaque ? Est-ce qu’il y a diffamation d’une religion
lorsqu’on se permet de mettre en doute certaines de ses interprétations ou
de ses pratiques ? Enfin, est-ce que les croyants le sont moins à la vue d’un
documentaire ou de la lecture d’un livre ?
Ce qu’oublient
ces néo-censeurs c’est que la foi des croyants est puissante et que ni l’Islam,
ni Dieu, ni non Prophète n’ont besoin d’un avocat. La parole divine ne se trouve
pas diminuée par un débat ou une opinion critique. Chacun, au fond lui, sait ce
qui est juste et bon pour lui. Si un croyant entend quelque chose qui diverge de
sa foi, est ce que cette dernière diminuera ? La foi d’un musulman
serait-elle aussi faible ? Je ne pense pas.
Car au fond, sur
toutes ces questions de religion qui agitent la société Tunisienne, c’est bien
une question d’interprétation et une vision de l’Islam qui est remise en cause.
Non l’Islam en lui-même. C’est donc bien une forme d’interdit idéologique qui
est imposé par une frange conservatrice et rétrograde pour empêcher un
débat sur un possible renouveau (plus que necessaire) de l’Islam.
La liberté, n’est
pas simple à assumer ou à pratiquer. On doit s’habituer à lire et à entendre
des choses qui sortent de l’ordinaire qui défient nos modèles de pensée. C’est
à chacun de faire l’effort de dépasser ses préjugés et de laisser s’exprimer l’opinion
opposée, d'accepter son existence et sa légitimité et par la suite de dialoguer avec elle, dans le respect et la tolérance.
Il y a donc dans
la liberté une forme d’abnégation, de souffrance. Il ne faut s'y faire.
Ignorer cette
difficulté de la liberté, c’est légitimer les interdits et les tabous. Or,
l’interdiction est l’arme des faibles. L’interdiction est un aveu d’échec. C’est
le refuge de celui qui ne sait ou ne peut convaincre et qui essaye d’imposer
son opinion. C’est l’outil de celui qui évite le débat au lieu de prendre le
risque de l’accepter.
C’est le débat qui fait avancer les idées et la
société
Remettre en cause
les dogmes peut être douloureux, peut être perturbateur et difficile à assumer,
mais c’est ce qui fait avancer la société et les idées. Discuter, argumenter,
remettre en cause, démolir pour reconstruire, telle est l’essence même du débat
d’idées. C’est ce qui fait avancer les nations et les philosophies, mais aussi
les religions.
Je ne peux m’empêcher
de voir dans la crise de l’Islam d’aujourd’hui que l’illustration de tous les
interdits qui le sclérosent, de tous ces dogmes qui, parce qu’ils sont anciens,
sont devenus indiscutables. Le raidissement de certaines sensibilités rétrogrades
montre bien aussi que l’Islam actuel arrive à bout de sa logique conservatrice.
L’Islam a
aujourd’hui, plus que jamais, besoin d’un grand dépoussiérage, d’une re-contextualisation,
d’une réforme profonde. Oser poser les questions qui dérangent, c’est ce qui
fera avancer la pensée religieuse et renforcera la foi des croyants qui se sentiront en
adéquation avec le monde moderne et non en opposition à celui-ci.
Permettre un
débat serein permettra de réconcilier la religion avec son monde. Cela
ne se fera pas sans difficulté ni sans douleur, mais l’œuvre des lumières de l’Islam
est lancée et rien ne pourra l’arrêter. Alors autant l’assumer, autant entrer
dans le débat au lieu de l’éviter.
Acceptons ces
difficultés qu’implique la liberté : celles de la perte des certitudes, du
doute permanent et des oppositions. Apprenons à respecter la différence et cultivons
la tolérance. Et payons pour cela le prix qu’il faut.
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